Le Nouveau Monde, ou la taxation de notre quotidien

Publié le par Weber Michaël

Nous y voilà donc : le 17 novembre prochain une bonne partie de nos concitoyens seront dans la rue. La hausse du prix des carburants peut être le point de rupture politique. Histoire d’une chronique annoncée : hausse des carburants contre fiscalité environnementale.

 

La ficelle est grosse mais cette fois-ci l'argument ne passe plus : l'écologie – alors que nous la savons urgente – est devenue une excuse pour augmenter les taxes, et vous aurez du mal à faire entendre le contraire aux français. Les élus locaux peuvent témoigner quotidiennement du décrochage entre la nécessité de la cause écologique et les préoccupations des français. Mais ont-ils tort ?

 

La transition écologique n'est pas la décroissance

 

Par exemple, la hausse du prix du carburant est le résultat de deux facteurs: la hausse du prix du pétrole d’une part, et la fiscalité que je dis punitive qui a pour but de dissuader les consommateurs. Pour la hausse du prix du pétrole qui dépend de l'OPEP et de sa cotation, disons que le gouvernement français n'est pas le seul à avoir voix au chapitre.

 

Pour la fiscalité en revanche, je dénonce depuis longtemps une erreur d’analyse. Cette fiscalité ne dissuade pas : elle punit, en particulier les millions de français qui vivent à la campagne, dans les territoires péri-urbains mais aussi ceux à qui on a demandé d'être mobiles pour trouver un emploi. Ont-ils le choix de se passer des véhicules ? Non.  A la campagne on utilise la voiture pour aller chercher son pain, pour amener les enfants à l’école et principalement pour aller travailler. C’est en cela que le Président Macron fait une erreur en disant qu’il « préfère la taxation du carburant à la taxation du travail », car dans les faits cette fiscalité environnementale est une autre taxation du travail. Qui sont les premiers à en pâtir ? Les ouvriers, ceux qui travaillent et qui gagnent à peine plus que les minimas sociaux, ceux qui se demandent déjà chaque jour s’il ne vaut mieux pas être au chômage plutôt que de travailler pour payer son plein d’essence.

 

Cette question est mal gérée par le gouvernement, est-ce la seule ? En ce qui concerne la transition écologique, apparemment non. Prenons la production bio, certes, chacun se satisfait de la transformation de la paysannerie en France, les producteurs bio ont de meilleurs marges, une meilleure santé et les français peuvent consommer bio et local. Mais écoutons ce que dit Michel-Edouard Leclerc lui-même : il constate une baisse de fréquentation dans ses supermarchés qu’il attribue à 2 facteurs :

            1° les prix ne sont plus assez bas pour une partie grandissante de la population qui a perdu du pouvoir d’achat et qui consomme moins ;

            2° une autre partie de la clientèle, un peu plus aisée a changé ses pratiques de consommations pour aller vers des produits plus sains, en circuits courts mais aussi plus cher.

Les produits bio sont inaccessibles aux familles modestes. C'est là où l'expression pouvoir d'achat prend tout son sens : ils ne peuvent pas en acheter, ou trop peu.

 

La culpabilisation des mauvais écocitoyens bat son plein, mais il faut avoir des moyens pour isoler parfaitement son habitation et réduire les consommations de chauffage, les voitures électriques arrivent seulement sur le marché d'occasion et ne sont toujours accessibles qu'à ceux qui peuvent s'offrir une voiture autour de 3 ou 4000€. La question environnementale est source d’inégalités et c’est là le vrai danger. La défiance des français est aussi celle-là, rejet de toutes les contraintes, pourtant nécessaires, qui complexifient la vie de nos concitoyens au nom de la question écologique. Le populisme qui grandit dans le monde, n’est pas que la peur du lendemain, la peur de l’étranger, la peur de la perte d’identité, mais aussi le rejet de ces contraintes environnementales. D’ailleurs pour s’en convaincre, observons Donald Trump qui dénonce les accords de Paris, rejette l’idée d’un réchauffement climatique et promeut les gaz de schistes. De la même façon, le Président brésilien Bolsonaro qui annonce vouloir utiliser la forêt amazonienne en dépit du bon sens pour en exploiter les richesses énergétiques et minières. Qui s’en émeut dans ces pays là ? Personne, puisque c’est la garantie d’une énergie pas chère.

 

L'écologie doit être une chance

 

La place de la gauche est de montrer que l'écologie, lorsqu'elle est correctement réfléchie, est la sauvegarde de l'espèce humaine sur terre, mais avec un mieux vivre généralisé. L'écologie n'est pas anti-sociale, elle est un nouveau mode de vie qui n'empêche ni l'intelligence ni l'entraide, qui améliore la santé et pourrait sauver notre mode de vie en le transformant de manière égalitaire. Ce n'est pas ce que veut notre gouvernement. Il souhaite un maintien du niveau de vie et des modes de vie de surconsommation des très très riches et fera payer, au-delà des taxes, par notre santé, tous les autres.

 

Ce n’est pas une taxation supplémentaire et forte qu’il fallait mais une incitation et une réorganisation de la fiscalité française qui inclut l’éco-conditionnalité. Plutôt qu’une fiscalité punitive je plaide pour une fiscalité incitative. Si l’on veut que nos concitoyens passent aux véhicules propres, il faut que le prix d’achat de ces véhicules soit vraiment moins cher, beaucoup moins que les véhicules à moteur thermiques classiques. Cette fiscalité incitative doit permettre d’accélérer un changement de pratiques. Il faut arrêter de punir ceux qui n’y peuvent rien, et il faut aider ceux qui ont envie de changer de pratiques.


 Outre les marges de manœuvre possible du modèle fiscal actuel, le Président Macron doit cesser de faire des cadeaux fiscaux aux plus riches, qui sont d’ailleurs ceux qui ont un impact sur l’environnement. Prenons l’exemple d’Amazon qui se moque de notre pays : 16,5millions d’euros payés en 2016, pour un chiffre d’affaire de 1 milliard uniquement en France, soit 21,6milliards en Europe pour la même année 2016. Ainsi donc le même jour, l’équipe Macron méprise nos concitoyens qui se plaignent de la hausse des carburants, mais courbe l’échine devant les GAFA et autres tricheur fiscaux par peur de rompre la fameuse – et mortifère- théorie du ruissellement.

 

La rupture

 

Car finalement le vrai problème ne réside pas dans la hausse des carburants, mais dans l’erreur d’analyse politique que fait Macron depuis le début de son quinquennat. Lors de l’élection de 2017, nous avons fait le constat d’un électorat fracturé, d’une France coupée en 2, la France des Villes et la France des campagnes, avec deux mondes qui séparent ces deux populations. Dans les métropoles des transports de qualité, un accès facile à l’emploi, aux services publics, une vie culturelle et étudiante, des services de soins. A la campagne une mobilité parfois inexistante, des services publics absents ou désorganisés, l’emploi source d’insécurité sociale car trop fluctuant, la culture trop souvent inaccessible comme la santé d’ailleurs.

 

La France des Villes vote largement Macron, la France rurale vote Le Pen. Le rôle du Président aurait donc dû être de construire une politique qui aplanisse ces inégalités. Dès le début il a fait le contraire, méprisant les élus locaux qui sont les seuls au contact des populations, prenant diverses mesures qui accentuent la fracture des territoires, instaurant le 80km/h perçu comme une pompe à fric pour ruraux, augmentant les carburants et accentuant donc ce sentiment!

 

Et les résultats sont là : celui qui devait nous protéger de la prise de pouvoir de la droite extrême nous livre pieds et poings liés aux populistes. L’électorat jeune est aujourd’hui plus séduit par Le Pen que par Macron et il est fort probable que le Rassemblement National que l’on croit affaiblit, arrive premier aux élections européennes. Ainsi lors du dernier sondage 28% des 18-24 ans envisagent de voter Le Pen, contre 19% pour En Marche. Affolant !

 

C’est bien une crise de notre société à laquelle nous faisons face. Les questions environnementales, sociales, économiques, politique s’entrechoquent. L’ensemble de la planète est en pleine instabilité. La démocratie que nous avions érigé en principe protecteur des populations amènent au pouvoir de dangereux populistes qui risquent d’accentuer les crises. Lors du Congrès des Parcs naturels régionaux, le philosophe Roger-Pol Droit nous expliquait bien cette incertitude planète commandée par des instabilités diverses. Notre société, notre civilisation sans doute, est entrée en mutation, mais personne ne peut dire où cela nous mène. Et pour reprendre sa belle métaphore : nous allons emprunter de nouveaux chemins, certains s’avéreront être des impasses, d’autres nous permettrons de progresser. Nul ne le sait réellement…

 

Dans la rue avec les miens!

 

Même si l’enjeu nous dépasse, même si Emmanuel Macron n’est pas l’Homme de la situation, trop arrogant pour cela, je serai dans la rue avec mes concitoyens le 17 novembre prochain. Être populiste, c’est répondre aux aspirations les plus extrêmes et les plus simplistes des hommes, simplement pour leur plaire, sans hauteur de vue. Être proche de son peuple, proche des siens, c’est entendre leur désarroi, c’est accompagner leur colère, et construire ensemble des solutions qui ne soient pas simplistes, mais qui nous permettent, je l’espère d’emprunter les bons chemins, c’est ce à quoi je veux m’engager.

 

Je serai dans la rue aussi parce que je suis de gauche, responsable politique au Parti Socialiste, qui doit porter ce discours d’équilibre entre écologie et socialisme. Je me retrouve dans la position adoptée en bureau national le 6 novembre :  « Si la mobilisation citoyenne prend de l’ampleur, ce n’est pas parce que nos concitoyens sont opposés aux mesures de transition énergétique, mais parce que les augmentations s’ajoutent à une politique fiscale injuste, à des restrictions déjà imposées aux retraités, aux fonctionnaires, aux locataires, aux malades aux familles et que la produit de la surtaxation des carburants ne finance qu’à hauteur de 20% les politiques environnementales. (…) Au fond l’arnaque peut se résumer en quelques mots : au prétexte de lutter contre le réchauffement climatique, le gouvernement prélève davantage de taxes sur l’ensemble des Français pour financer les cadeaux fait à quelques-uns. »

 

Le gouvernement ne peut pas demander aux français des classes moyennes et populaires de remplir les blancs qu'il a laissé sur le territoire tout en leur demandant de mettre plus dans le pot commun. Où sont les transports en commun pratiques, moins onéreux, et plus écologiques ? Où sont les politiques de structuration du territoire d'un gouvernement qui se dit si moderne ? Où sont ses politiques de protection de la santé des agriculteurs, des consommateurs et de notre terre ? Où est sa politique, même pas à long terme mais au moins à moyen terme en ce qui concerne les français qui n'habitent pas aux centres villes des métropoles ? Nous sommes en attente, avec peu d'espoir. Et la grogne du 17 novembre parlera de ce désespoir commun des français face à cette politique qui semble n'être qu'une succession d'impasses pour eux.

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